Tous les lauréats des
BOURSES FPPU
Bourse FPPU/APAPUM 2024
Maxime Thériault
Université de Moncton
Maxime Thériault ne se contente pas d’aspirer à une carrière de psychologue clinicien. En plus de présenter un excellent dossier étudiant, le candidat au baccalauréat de l’Université de Moncton a déjà acquis toute une expérience à titre de bénévole. Adolescent, il fondait le club de musique de l’école secondaire Mathieu-Martin. Aujourd’hui, il s’engage dans sa communauté universitaire comme membre du Conseil étudiant de psychologie, entre autres. Maxime se passionne aussi pour les premiers soins depuis ses débuts en sauvetage aquatique, métier qu’il exerce à temps partiel depuis 2021. Récemment, il a participé au Programme de leadership en santé et sécurité pour les jeunes travailleurs de Travail sécuritaire NB. Son évident sens civique lui vaut la bourse FPPU/APAPUM de premier cycle en 2024. Nous lui souhaitons tout le meilleur pour la suite!
Au sujet de ce prix
La Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU) octroie chaque année des bourses d’excellence à des étudiants ou étudiantes d’exception. Chaque syndicat affilié attribue le prix dans son établissement en suivant les critères de son choix. L’Association du personnel administratif et professionnel de l’Université de Moncton (APAPUM) soutient des enfants de ses membres qui obtiennent une moyenne minimale de 3,00 et s’engagent dans leur communauté. Elle remet deux sommes de 1000 $ : l’une au premier cycle, l’autre au second cycle.
Maxime Thériault, boursier FPPU/APAPUM 2024. / photo collection personnelle
Prix des pros de la recherche 2024
La grande rassembleuse
Elle a un don pour mobiliser les connaissances… et les personnes! Mylène Villeneuve Cyr contribue ainsi au succès d’un groupe de recherche qui veille au bon développement des enfants.
Le Groupe de recherche et d’intervention sur les adaptations sociales de l’enfance (GRISE), à l’Université de Sherbrooke, a frappé les esprits avec son colloque 2023. L’événement consacré aux jeunes en difficulté ou à risque de le devenir s’adressait autant aux membres de la société que de l’université. Quelque 275 personnes y ont participé à des présentations savantes, mais aussi à des discussions collectives sur des sujets d’intérêt public. Par exemple, comment inciter les élèves de secondaire à prendre soin de leur santé mentale? À la fin, une infographie vulgarisait les constats clés de chaque symposium pour en faciliter l’application — témoin cet exemple.
Ce rendez-vous du savoir doit beaucoup à Mylène Villeneuve Cyr, coordonnatrice scientifique du GRISE, qui a contribué à l’organiser. « Mettre la recherche en contact avec le monde réel, j’adore ça, confie-t-elle de sa voix zen. Les connaissances doivent sortir de l’université pour servir à la société! »
Le site Web grise.ca, qu’elle a structuré et qu’elle anime, traduit aussi cette vision généreuse de la science. La vitrine en ligne — une perle dans son genre — vulgarise divers sujets touchant la jeunesse. Elle diffuse notamment les midis-conférences donnés chaque mois par des spécialistes en adaptation sociale et en santé mentale des jeunes. Aussi, une chouette série de balados où des personnes aux études interviewent des chercheurs et chercheuses du groupe. « Une manière de rendre vivante la programmation de recherche », précise celle qui facilite la production de ces contenus accessibles au public.
Pour son patient soutien à la mobilisation des connaissances, Mylène Villeneuve Cyr a remporté la 1re place dans la catégorie Société et culture aux Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche 2024. La direction du GRISE a fêté la victoire de son employée, louangeant « sa diplomatie, son ouverture aux nouvelles idées et son calme olympien ». La principale intéressée, elle, s’attendait peu à cet honneur. Au point qu’elle avait égaré son mot de passe pour la plateforme des Fonds de recherche du Québec, qui décernent la distinction! « Tant de mes collègues font un travail de grande qualité pour permettre à la science de s’accomplir, note-t-elle. Que ma contribution soit reconnue me remplit de surprise, de fierté et d’émotion. »
L’appel de la recherche
L’histoire commence en 2005. Collégienne éprise de culture, Mylène vient de diplômer du cégep en arts et lettres. Au moment d’entamer des études supérieures, elle hésite entre l’enseignement et la psychologie. Pour mieux choisir, elle s’inscrit… en sexologie. Cette discipline touche tout le monde au cours de sa vie, non? En tout cas, elle va orienter sa carrière. La jeune apprentie s’initie à la recherche auprès de Martine Hébert, professeure à l’Université du Québec à Montréal, qui lui confie la coordination de divers projets. Elle aime spontanément ce travail, lent et réfléchi, qui correspond à sa façon d’être.
En 2011, elle dépose son mémoire de maîtrise, où elle analyse les différences de vécu entre les filles et les garçons qui ont subi des agressions sexuelles dans leur enfance. Elle coordonne ensuite des projets de recherche portant sur ce sujet, ainsi que sur les traumas interpersonnels et la violence dans les relations amoureuses des jeunes. Elle raffole de ce travail… mais son Estrie natale lui manque. De bonne grâce, la professeure Hébert soutient son retour dans sa région en la recommandant à son homologue Michèle Déry, alors directrice scientifique du GRISE. « J’ai retrouvé dans cette équipe des thématiques connexes à ma discipline d’origine et un milieu tout aussi stimulant », se réjouit la professionnelle.
C’est ainsi qu’elle devient coordonnatrice, en 2014, du groupe où elle fera sa marque. Aujourd’hui piloté par la professeure Geneviève Paquette, le GRISE veille au bien-être des jeunes en menant des travaux susceptibles d’améliorer leurs conditions de vie. Plusieurs spécialités s’y côtoient : psychoéducation, enseignement, adaptation scolaire et sociale, travail social, sciences de la santé, etc. Le collectif comprend 50 chercheurs et chercheuses. Il héberge en outre cinq chaires de recherche et deux équipes soutenues par le Fonds de recherche du Québec – Société et culture.
Accompagner la relève scientifique
Au cœur de cette vibrante communauté, Mylène Villeneuve Cyr joue un rôle pivot. Cette « docteure ès efficacité » assiste la direction dans les tâches de gestion, notamment en soutenant la préparation de demandes de financement. Elle accompagne la population étudiante par des conseils attentionnés. Vous avez une question sur les rouages de la vie sur le campus? Elle a une réponse. Sa sollicitude lui a d’ailleurs valu une nomination l’an dernier aux Prix Inspiration de l’Université de Sherbrooke, catégorie Qualité de service.
« Le cœur de mon implication, poursuit-elle, c’est d’offrir aux membres de la relève étudiante des occasions de développer une formation scientifique solide et diversifiée en complément de leur programme académique. » Elle organise ainsi une panoplie d’ateliers de perfectionnement. Maîtrise des logiciels statistiques, repérage d’articles, usage du CV commun canadien pour solliciter des bourses… L’été se tient même un exercice de communications par affiche. Les stagiaires universitaires se présentent ainsi avec plus d’assurance à la Journée de la recherche de 1er cycle en sciences humaines et sociales de l’Université de Sherbrooke. Un parfait tremplin pour poursuivre des études aux cycles supérieurs dans un cheminement recherche.
Initiative originale : la lauréate a participé à la mise sur pied, à l’automne 2021, d’un club de lecture d’articles savants à devis qualitatif. Ce mode d’étude fondé sur l’expérience humaine, moins connu que celui axé sur des statistiques, peut poser des colles de méthodologie. Le cercle permet de partager les bonnes idées et d’aplanir des difficultés en groupe. Son succès a d’ailleurs inspiré une bande dessinée soumise au Concours de vulgarisation scientifique 2024 de l’Université de Sherbrooke.
Unir les pros de la recherche
Enrichissante mais exigeante, la vie des professionnels et professionnelles de recherche! C’est pourquoi Mylène Villeneuve Cyr a lancé en 2022, avec une collègue et une chercheuse, une communauté de bonnes pratiques pour ses homologues. Une dizaine de personnes pilotent des projets pour les chercheurs et chercheuses du GRISE. La nouvelle structure leur procure une plateforme pour partager idées, conseils et documents. Elle leur donne aussi l’occasion, trois fois l’an, de discuter librement des défis de leur quotidien.
« La communauté permet de mettre en commun les savoirs et les usages », résume la super-coordonnatrice, qui organise les rencontres du groupe. « Elle formalise ce qui se faisait déjà en proposant une solution plus inclusive. » L’initiative s’avère d’autant plus pertinente que le télétravail complique souvent les échanges spontanés entre collègues.
Hors du bureau, cette maman comblée passe beaucoup de temps avec ses enfants de 8 et 9 ans. Ce qui lui donne, outre les joies de la vie de famille, une perspective intime sur le développement humain étudié au GRISE! Elle marche et roule en plein air, court les musées. L’écriture l’attire aussi : « J’aime jouer avec la langue française, les discussions enflammées, le ping-pong mental. »
Mylène Villeneuve Cyr n’oubliera pas de sitôt le colloque 2023 de son organisation. Sa principale réussite professionnelle, cependant, ne réside pas dans une action — plutôt dans un état d’esprit. « Ma plus grande fierté, c’est d’avoir appris à soutenir de différentes manières les membres du groupe, en m’adaptant à leurs besoins qui varient, formule-t-elle. Rien ne me satisfait autant que de contribuer au mouvement et à l’énergie d’une équipe stimulante. »
Au sujet de ce prix
Les Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche mettent en lumière l’apport crucial de ce personnel à l’avancement du savoir et à l’innovation au Québec. Ils ont été créés en 2016 par la FPPU et deux autres syndicats avec le soutien des Fonds de recherche du Québec. Trois bourses de 2500 $, 1500 $ et 1000 $ sont attribuées dans chaque catégorie : Nature et technologies, Santé ainsi que Société et culture.
Mylène Villeneuve Cyr, 1re place dans la catégorie Société et culture aux Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche 2024. / photo Michel Caron, UdeS
Prix des pros de la recherche 2024
Opération zénitude
Joelle Lepage cherchait comment mieux soutenir la santé mentale des jeunes. Elle coordonne aujourd’hui un programme qui apaise plus de 100 000 âmes partout au Québec !
Lorsque Joelle Lepage obtient sa maîtrise en psychoéducation de l’Université de Sherbrooke, en 2008, elle sait ce qu’elle veut comme carrière. Aider les jeunes et les familles : voilà ce qui la motive. Après une décennie de travail sur le terrain, toutefois, les questions se pressent dans sa tête. Pourquoi certaines clientèles vulnérables passent-elles sous le radar? Pourquoi les actions préventives sont-elles si rares? Pourquoi, surtout, les bonnes pratiques demeurent-elles méconnues?
Il n’en faut pas plus pour que cette intervenante empathique se réoriente en recherche. En 2017, elle entre au nouveau Centre RBC d’expertise universitaire en santé mentale de l’Université de Sherbrooke. Avec un objectif clair : partager les savoirs de pointe afin qu’ils contribuent concrètement au mieux-être de la jeunesse québécoise. « Je n’aurais jamais pensé faire de la recherche un jour, confesse-t-elle en souriant. Mais coconstruire avec la communauté des initiatives pour bonifier la couverture de services, ça me rejoint. »
C’est cet engagement en faveur des populations vulnérables qui vaut à la coordonnatrice un Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche. En 2024, le jury du Fonds de recherche du Québec lui décerne la 3e place dans la catégorie Société et culture. Dire que la principale intéressée a concouru à l’insistance de sa directrice! « J’ai été agréablement surprise que le FRQ reconnaisse la valeur de mon parcours, lance-t-elle avec humilité. Mon profil est très “terrain”. Mais justement, cette perspective scientifique atypique m’aide à combler le fossé entre la recherche et la pratique. »
Un profond désir d’aider
Aller vers les personnes vulnérables, c’est naturel pour Joelle. Au primaire, elle côtoie avec plaisir ses camarades vivant avec l’autisme ou la déficience intellectuelle; au cégep, elle passe plusieurs semaines dans un orphelinat en Inde. La psychoéducation s’impose vite à son esprit. Cette étudiante douée excelle dans sa discipline, au point de remporter la Médaille académique du Gouverneur général en 2008.
S’ensuivent des expériences de travail variées. Tantôt elle intervient auprès de familles d’ados en difficulté, tantôt elle facilite le retour à l’école de décrocheurs et décrocheuses. Au Centre jeunesse de l’Estrie, elle œuvre pendant six ans à la protection des enfants vulnérables. Entre deux emplois, cette globetrotteuse parcourt la planète. Elle séjourne des mois entiers en Inde, en Afrique, en Asie du Sud-Est. « Les voyages enseignent la gratitude, estime-t-elle. Et aussi à faire preuve de plus de souplesse dans le quotidien. »
Le Centre RBC : un projet à imaginer
En janvier 2017 arrive l’offre d’emploi du Centre RBC d’expertise universitaire en santé mentale. Le projet que vient de lancer le professeur Robert Pauzé — aujourd’hui dirigé par Julie Lane — la captive aussitôt. Comment bonifier les services donnés aux jeunes qui présentent un trouble de santé mentale, ou risquent d’en développer un? L’organisme naissant consulte une centaine de personnes évoluant dans ce milieu pour définir son modèle d’action. Sa coordonnatrice prend part à la réflexion. Elle veille aux activités courantes, anime des formations, produit des contenus vulgarisés. Elle accompagne en outre une douzaine d’étudiants et étudiantes par année.
Rapidement, le Centre RBC lance une initiative pour atténuer l’anxiété chez les jeunes. « Lors de nos consultations, tout le monde exprimait le besoin qu’on s’attarde à cet enjeu en priorité », rapporte la lauréate. L’organisme réunit un comité d’expertise, qui recommande d’instaurer des activités de prévention et d’intervention précoce pour compléter les services spécialisés déjà offerts aux personnes en détresse. Ainsi naît le programme HORS-PISTE, qui aide aujourd’hui plus de 100 000 élèves du primaire et du secondaire.
HORS-PISTE pour le bien-être de la jeunesse
« Le programme HORS-PISTE permet aux jeunes de développer leurs outils pour faire face aux défis de la vie. Il aide à prévenir l’anxiété, mais aussi d’autres problèmes d’adaptation », poursuit Joelle Lepage. Des ateliers en classe favorisent le développement des compétences psychosociales : apprivoiser ses émotions et son stress, apprendre à se connaître et à s’estimer, communiquer de façon positive avec autrui, etc. Alors que ce premier volet s’adresse à l’ensemble des jeunes, un second volet cible ceux et celles dont l’anxiété requiert une attention particulière. Les parents et membres du personnel scolaire disposent aussi de divers ateliers et outils, tels que la série de capsules vidéos L’anxiété chez nos enfants : que puis-je faire en tant que parent?.
L’initiative conquiert vite les milieux d’enseignement, qui contribuent à l’améliorer par leurs rétroactions. Chaque école l’implante en toute autonomie; l’équipe accompagnante est là pour guider et soutenir. Ce respect de l’expertise locale décuple la mobilisation. Bientôt, le projet s’étend dans tout le Québec grâce à des subventions majeures de l’Agence de la santé publique du Canada et du ministère de la Santé et des Services sociaux.
Résultat? Les jeunes développent une gamme d’habiletés clés : identifier et réguler ses émotions, par exemple, ou encore gérer ses conflits. Des recherches démontrent que le programme réduirait certains symptômes anxieux et facteurs de risque. « Des parents m’abordent pour me parler des effets positifs que le programme a eus sur leurs enfants, raconte la coordonnatrice. Des profs aussi me disent que les discussions menées en classe resserrent leur lien avec leurs élèves. » Une version adaptée s’implante d’ailleurs dans des centres de formation professionnelle ou de formation générale aux adultes.
Au secours des tout-petits à risque
La professionnelle coordonne bien d’autres travaux. Parmi eux figure le projet Diapason, implanté dans plusieurs centres de la petite enfance à Sherbrooke et à Québec. Soutenu par le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de la Famille, il rejoint plus de 150 bouts de chou provenant de foyers en situation de vulnérabilité. « On cherche à bonifier la qualité des services offerts à ces enfants dans les CPE, ainsi qu’à leurs parents. On vise à maximiser le développement des filles et des garçons pour éviter qu’ils accumulent du retard avant d’entrer à l’école. »
Par exemple, le projet envoie des spécialistes en ergothérapie et en orthophonie aider les éducatrices et éducateurs à perfectionner leur propre pratique afin d’appuyer au maximum le développement des tout-petits vulnérables. Il engage aussi des jeunes qui étudient en psychoéducation ou en adaptation scolaire pour prêter main-forte au personnel.
L’art de faire une différence
Ces chantiers représentent une énorme tâche de coordination, de mobilisation de partenaires, de rédaction de rapports. Et Joelle Lepage adore ça! « Côtoyer tant de personnes qui veulent faire une différence dans la société et qui ont plein d’idées pour y parvenir, c’est un privilège, s’emballe-t-elle. À commencer par ma directrice, qui pilote ces projets de façon extraordinaire. »
La lauréate trouve aussi son bonheur hors du bureau. Dans la forêt québécoise, où elle aime camper et randonner; dans le vaste monde, qui l’attire toujours. Après quelques années plus sédentaires pour raisons familiales, elle a emmené cet été ses enfants de 9 et 11 ans découvrir le Panama. « Mes cocos ont été extraordinaires hors des sentiers battus, se réjouit-elle. Ils ont hérité de mon esprit d’aventure! »
Alors que la santé et l’éducation font souvent l’objet de nouvelles déprimantes, Joelle Lepage, elle, choisit d’incarner la positivité. « Sans minimiser les enjeux de notre époque, il y a beaucoup de beau aussi, plaide-t-elle. Des gens passionnés malgré les difficultés, des jeunes engagés et épanouis, j’en rencontre chaque jour. À force de répéter que tout va mal, on ne les voit plus. C’est dommage. » Et surtout stressant. La lutte à l’anxiété ne fait que commencer…
Au sujet de ce prix
Les Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche mettent en lumière l’apport crucial de ce personnel à l’avancement du savoir et à l’innovation au Québec. Ils ont été créés en 2016 par la FPPU et deux autres syndicats avec le soutien des Fonds de recherche du Québec. Trois bourses de 2500 $, 1500 $ et 1000 $ sont attribuées dans chaque catégorie : Nature et technologies, Santé ainsi que Société et culture.
Photo : Joelle Lepage, 3e place dans la catégorie Société et culture aux Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche 2024. / source collection personnelle
Prix des pros de la recherche 2024
Le virus de l’apprentissage
Marilène Bolduc coordonne les activités d’un laboratoire qui rêve que le Québec devienne autonome en production de vaccins. Sa devise? Chaque problème est un enseignement.
Le 13 mai 2014 est une date que Marilène Bolduc n’oubliera jamais. Ce jour-là, pour la première fois, des volontaires ont reçu un vaccin contre l’influenza contenant des nanoparticules de virus de plante. L’injection s’est révélée efficace et sécuritaire. « Immuniser des humains avec la plateforme que nous avions fabriquée était un sentiment indescriptible, confie-t-elle. Honnêtement, j’ai été émue aux larmes! »
Depuis plus de 20 ans, la professionnelle agit comme bras droit du Dr Denis Leclerc au Centre de recherche en infectiologie du CHU de Québec–Université Laval. L’équipe qu’elle coordonne exploite une idée originale : utiliser un virus d’origine végétale pour créer une technologie de vaccination. À partir du virus de la mosaïque du papayer, elle fabrique une nanoparticule à laquelle on peut attacher des fragments d’un agent infectieux, comme le virus de la grippe ou de la COVID. L’injection de cet assemblage entraîne une réaction immunitaire qui, amplifiée par la présence des nanoparticules, permet de prévenir le développement de la maladie chez un humain ou un animal. « Ce virus de plante totalement sécuritaire présente des propriétés incroyables, s’emballe la scientifique. Il peut être utilisé en vaccination, en immunothérapie contre les cancers, et même pour prévenir les allergies. »
En 2024, Marilène Bolduc se classait en 3e place dans la catégorie Santé aux Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche. En mettant à jour son CV pour concourir, elle a mesuré tout le chemin parcouru depuis ses débuts. « Je n’ai pas des tonnes de brevets, je n’ai pas plein d’articles, je n’ai pas donné de conférences, dit-elle humblement. Par contre, je joue un rôle quotidien dans la mobilisation des connaissances et la formation de la relève, entre autres. Ça m’a touchée que le jury reconnaisse le leadership que j’exerce dans mon milieu. »
De l’éducation à l’entrepreneuriat
Marilène contracte très tôt le virus… de l’apprentissage. Formée en chimie-biologie au cégep, elle suit sa curiosité naturelle jusqu’au baccalauréat en biotechnologie que donne l’Université de Sherbrooke. En 2001, elle entre en stage auprès du professeur Leclerc, qui lui dépeint le potentiel médical du virus de la mosaïque du papayer. Le sujet passionne aussitôt l’étudiante, vite promue professionnelle de recherche. Au fil des ans, elle contribue à fabriquer la particule PapMV nano, puis à démontrer comment cette dernière stimule le système immunitaire. Elle cosigne une vingtaine d’articles savants.
En 2006, Denis Leclerc lance une entreprise pour mettre au point une technologie vaccinale fondée sur ses travaux. Bonjour, Folia Biotech! Objectif : mener PapMV nano jusqu’à la phase d’essai clinique chez l’humain, en assurant la manufacture fiable d’un produit efficace.
La coordonnatrice investit beaucoup de cœur dans cette aventure entrepreneuriale, promise à améliorer la vie de nombreuses personnes. Avec l’aide du Dr Pierre Savard, qui se joint à l’équipe pour établir la recette de fabrication du produit, elle veille notamment au contrôle de la qualité et au respect des normes. Elle apprend ainsi à documenter les travaux selon les bonnes pratiques de laboratoire. Chaque expérience est précédée par la rédaction d’un protocole détaillé, dûment approuvé, et d’une simulation pour éliminer les anicroches. Chaque problème qui surgit génère un amendement ou un rapport de déviation. « Nous formons nos membres à consulter ces documents pour éviter de répéter les mêmes erreurs. Cette discipline maximise l’utilisation des fonds de recherche », explique la lauréate. Folia Biotech réussit ainsi à implanter des processus fiables menant à des résultats reproductibles.
En 2010, la technologie est transmise à une entreprise torontoise, Therapure Biopharma, en mesure de la commercialiser. Marilène Bolduc s’envole fréquemment vers la métropole ontarienne et vit pendue à son téléphone. Cette femme ultra organisée, qui commence chaque journée en hiérarchisant ses priorités, s’engage à fond. « J’étais impliquée à un point presque irrationnel! Mais le transfert a été un succès, grâce à toute notre équipe. » Quatre ans plus tard se déroule l’essai clinique du vaccin contre l’influenza à l’action renforcée par PapMV nano.
Une nanoparticule, plusieurs usages
Parallèlement à cette incursion sur le marché, le laboratoire de Denis Leclerc continue ses activités universitaires. Car PapMV nano peut accomplir bien plus que mieux immuniser les gens contre la grippe saisonnière. Par exemple, il sert de base à un vaccin contre la covid testé avec succès sur des animaux. « Nous explorons maintenant ses applications en prévention et en traitement du cancer tout en poursuivant le développement de vaccins », résume la scientifique.
La nanoparticule attire l’attention d’autres chercheurs et chercheuses, qui y consacrent leurs propres études. Deux techniciennes travaillent désormais à produire PapMVnano, déclinable en plusieurs types. Et une professionnelle vaque à une méthode novatrice qui permet d’attacher des fragments de virus à la nanoparticule sans recourir au clonage.
Toute cette activité culmine dans le lancement de la plateforme de biofabrication de vaccins Québec-Leclerc. Fondée en 2023, la structure universitaire met à profit des dizaines d’appareils de haute performance acquis à l’aide de la Fondation canadienne pour l’innovation. Désormais, l’équipe peut non seulement créer et analyser ses propres vaccins, mais aussi offrir cette chance à ses homologues. D’abord dans son institution, puis, un jour, dans la province. « Un de nos rêves est que le Québec devienne autonome en production de vaccins. C’est pour participer à l’atteinte de cet objectif qu’on partage notre savoir et nos technologies », précise la codirectrice de l’initiative, qui a beaucoup contribué à sa mise sur pied.
Au laboratoire : rigueur et bonne humeur
Aujourd’hui, Marilène Bolduc aide à coordonner les travaux des membres de son équipe et des nombreux autres chercheurs et chercheuses qui utilisent PapMV nano. Elle gère les budgets des projets de recherches, écrit et révise des protocoles, exécute des analyses de laboratoires. Auprès de ses collègues, elle continue à promouvoir des méthodes de documentation perfectionnées. Elle incite aussi à inclure dans les propositions d’expérience un calendrier et des objectifs précis. « En recherche, il est facile de se décourager quand les résultats ne sont pas au rendez-vous. Un plan clair aide à rester motivé dans les moments creux », explique-t-elle.
Faire progresser le savoir, d’accord. Mais jamais aux dépens du bien-être des gens. « En science comme en sport, toute grande réussite naît d’un travail d’équipe. L’entraide est cruciale », poursuit cette humaniste. Bien sûr, contrôler la qualité dans un laboratoire exige rigueur et tact. Exiger la reprise d’une tâche peut causer des frictions… La coordonnatrice est néanmoins réputée pour sa générosité. Pousser les jeunes à mener des recherches exemplaires tout en préservant leur équilibre personnel, voilà sa mission.
Hors du bureau, la professionnelle s’adonne au yoga et au jogging. Elle accompagne aussi sa mère à titre de proche aidante. « J’inscris tout dans mon calendrier, même mes moments de relaxation. Il faut apprendre à s’accorder du temps pour soi », affirme cette femme bien occupée, qui partage sa vie avec son conjoint et leur fils de 18 ans.
De sa carrière, Marilène Bolduc est fière d’une chose en particulier : c’est d’avoir su se développer à la hauteur des exigences du quotidien. Planifier des projets, résoudre des problèmes, transiger avec une foule de gens, médier des conflits… Cette diversité de tâches représente toute une école. Deux décennies plus tard, la lauréate a toujours la piqûre de son métier. « Mon travail de professionnelle de recherche a nourri toutes les facettes de ma vie, médite-t-elle. Je pense être devenue une meilleure personne grâce à lui. »
Au sujet de ce prix
Les Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche mettent en lumière l’apport crucial de ce personnel à l’avancement du savoir et à l’innovation au Québec. Ils ont été créés en 2016 par la FPPU et deux autres syndicats avec le soutien des Fonds de recherche du Québec. Trois bourses de 2500 $, 1500 $ et 1000 $ sont attribuées dans chaque catégorie : Nature et technologies, Santé ainsi que Société et culture.
Photo : Marilène Bolduc, 3e place dans la catégorie Santé aux Prix d’excellence des professionnels et professionnelles de recherche 2024. / source collection personnelle