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Prix des professionnels de recherche 2021

Prix des professionnels de recherche 2021

Anne-Marie Madore remporte la troisième place dans la catégorie Santé aux Prix d’excellence des professionnels de recherche 2021. / photo collection personnelle

 

Prix des professionnels de recherche 2021

Anne-Marie Madore | Université du Québec à Chicoutimi

Troisième place en Santé

 

Allergique à l’ignorance

Anne-Marie Madore mène des analyses génétiques pour élucider les mécanismes de maladies allergiques, dont l’asthme.

 

Asthme, eczéma, rhinite, intolérances alimentaires sévères… Les maladies allergiques affectent bien des gens à un moment ou l’autre de leur vie. Quels infimes fragments de l’ADN sont impliqués dans le développement de ces ennuis de santé ? C’est la grande question qui occupe Anne-Marie Madore, professionnelle à la Chaire de recherche du Canada en environnement et génétique des troubles respiratoires et de l’allergie. Une mission qui l’inspire profondément.

 

Depuis 2009, la détentrice d’un doctorat en médecine expérimentale appuie avec ardeur l’équipe dirigée par la professeure Catherine Laprise à l’Université du Québec à Chicoutimi. Ce qui lui vaut le Prix d’excellence des professionnels de recherche 2021 (troisième place, catégorie Santé). « Une belle reconnaissance ! Le travail des employés de la recherche est méconnu. Qu’on valorise leur apport à l’avancement de la science, je trouve ça bien », réagit la lauréate, de sa voix sereine.

 

Au début de l’année, Anne-Marie Madore a vécu un moment mémorable avec ses collègues de la chaire. Avec des collaborateurs canadiens, l’équipe a élaboré un « score de risque » pour la marche atopique, une cascade de maladies allergiques qui peut mener de l’eczéma à l’asthme. Certaines variations génétiques, lorsqu’elles sont présentes chez une personne, augmentent la probabilité de développer ce trouble. La découverte a paru en janvier 2021 dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology. « Dans un domaine fondamental comme le mien, c’est rare de travailler sur quelque chose qui pourrait avoir une application concrète un jour. Même si on est encore loin d’un usage clinique, j’ai trouvé cette recherche très gratifiante », formule la coauteure de l’article — l’un des 25 inscrits à son CV.

 

La professionnelle a pour tâche première de mener des analyses génétiques sur les échantillons de la cohorte familiale d’asthme du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Cette base de données, mise sur pied par la professeure Laprise, repose sur 1200 échantillons sanguins prélevés chez les membres de familles sujettes à l’asthme. Ces spécimens subissent un séquençage (pour déterminer l’agencement des bases qui constituent l’ADN) et un génotypage (pour identifier des variations génétiques). Leur étude permet d’explorer les voies biologiques impliquées, d’établir le profil des individus à risque, ou même de repérer qui pourrait bien répondre à un traitement donné. À terme, elle pourrait déboucher sur une médecine personnalisée.

 

Analyser des mégadonnées tirées du génome entier n’a rien de simple, on s’en doute. Pour faire parler ces millions de chiffres, Anne-Marie Madore a dû parfaire sa formation en biostatistique et bio-informatique. Ce long apprentissage, entamé au doctorat, elle l’a poursuivi de manière autodidacte. Aujourd’hui, elle programme elle-même des scripts pour préparer et étudier les données. Certaines opérations sont si complexes qu’elles exigent de recourir aux superordinateurs de Calcul Québec… « De voir que notre chaire en est rendue à collaborer dans ce genre de travail avec des équipes d’un peu partout dans le monde, c’est l’une de mes grandes satisfactions », confie cette éternelle curieuse.

 

Mais ce qui l’attire le plus dans sa profession est son côté humain. Oubliez le cliché du savant solitaire : la recherche est un sport collectif. « Le contact avec les étudiants, c’est un gros plus dans ma carrière, s’exclame-t-elle. Je trouve motivant et enrichissant d’échanger avec eux. » Jusqu’ici, cette employée de confiance a contribué à former 32 personnes inscrites au baccalauréat et 27 aux cycles supérieurs. Pendant la pandémie, elle a fait preuve d’adaptation pour les assister à distance dans leurs protocoles, analyses et présentations scientifiques. Les initier à la bio-informatique par écran interposé, entre autres, s’est avéré tout un défi. Elle a préparé une suite d’exercices pour entraîner la relève à réaliser des analyses et à utiliser des superordinateurs.

 

Quand elle ne se penche pas sur ses extraits de génome, la lauréate met sur pied des dispositifs de recherche, rédige des demandes de subvention ou travaille à l’approbation éthique des projets. Elle est responsable des analyses génomiques pour la cohorte du Saguenay–Lac-Saint-Jean au sein d’un consortium d’experts canadiens, français et allemands. Elle s’implique dans sa communauté, notamment en siégeant pendant cinq ans au conseil d’administration de la Corporation de recherche et d’action sur les maladies héréditaires, un OBNL qui éduque le public aux facteurs génétiques qui influencent la santé. De plus, elle participe aux journées scientifiques que tient l’Université du Québec à Chicoutimi. « J’ai toujours aimé parler de ce qu’on fait, dit-elle. En général, les gens sont très réceptifs et curieux. »

 

Allergique à l’ignorance, Anne-Marie Madore n’a pas fini de contribuer aux travaux du centre qui l’emploie. Sa candidature au concours des Prix d’excellence des professionnels de recherche aura été un bon exercice à cet égard. « En relisant son CV, on réalise l’impact qu’on peut avoir dans son équipe, conclut-elle. Et puis, ça permet de montrer au public la belle diversité des carrières qu’on peut avoir en science. »

 

Au sujet de ce prix

Les Prix d’excellence des professionnels de recherche mettent en lumière l’apport crucial de ce personnel à l’avancement du savoir et à l’innovation au Québec. Ils ont été créés en 2016 par la FPPU et deux autres syndicats avec le soutien des Fonds de recherche du Québec. Trois bourses de 2500 $, 1500 $ et 1000 $ sont attribuées dans chaque catégorie : Nature et technologies, Santé ainsi que Société et culture.