Vous avez des questions ?   819.840.4544   info@fppu.ca

Prix des professionnels de recherche 2023

Prix des professionnels de recherche 2023

Docteur ès réseautage

En assurant l’essor du Réseau de recherche sur la santé cardiométabolique, le diabète et l’obésité, Lucien Junior Bergeron a changé des vies — dont la sienne.

 

Quand Lucien Junior Bergeron a du temps libre, il se retrouve volontiers au golf. Le gestionnaire scientifique raffole de ce sport, dont il a brièvement joué pour le Vert et or pendant ses études à l’Université de Sherbrooke. Planifier avec soin la trajectoire de la balle, ça le connaît. « Mon atout, c’est que je reste toujours calme pendant la partie », confie-t-il, sourire en coin!

 

Cette aptitude le sert assurément dans sa carrière. Le docteur en biochimie dirige les opérations du Réseau de recherche sur la santé cardiométabolique, le diabète et l’obésité (CMDO). Ce collectif scientifique, l’un des plus grands au Québec, regroupe aujourd’hui quelque 300 équipes de recherche et 1200 membres. Il appuie l’étude du métabolisme humain, un vaste champ de connaissances qui est très lié au bien-être de la population.

 

Pour sa contribution à la fondation du Réseau, Lucien Junior Bergeron remporte le Prix d’excellence des professionnels de recherche, au deuxième rang dans la catégorie Santé, en 2023. Ce n’est pas le trophée du tournoi de golf U.S. Open, mais… « Je suis fier du chemin parcouru, réagit le lauréat, qui enseigne aussi dans son alma mater. J’espère surtout que ce prix donnera une poussée de plus au Réseau. »

 

De scientifique à gestionnaire

Au départ, le scientifique se destine à une carrière en laboratoire. En 2005, il dépose la thèse de l’année en santé à l’Université de Sherbrooke. Ses travaux débouchent sur une invention brevetée : un genre de « ciseau moléculaire » qui permet d’intervenir dans l’ADN pour empêcher certains gènes de s’exprimer. Cet outil prometteur, basé sur un ARN catalytique nommé ribozyme delta, est primé au concours Défi innovation par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Encouragé, le jeune homme pousse sa formation en biologie moléculaire et cellulaire avec pas un, pas deux, mais trois stages postdoctoraux!

 

Au tournant des années 2010, Lucien est fin prêt à démarrer son propre laboratoire. Mais la vie en décide autrement… Elle lui apporte un cancer à soigner, puis une jeune famille. Ce papa attentionné veut consacrer du temps à ses trois enfants, dont des jumeaux. Parallèlement, son amoureuse progresse dans sa carrière d’agronome. Déraciner les siens, qui s’épanouissent à Sherbrooke, pour décrocher un poste de professeur? L’idée le rebute. En étudiant le problème sous tous ses angles, il trouve une solution inédite : se créer un emploi de consultant scientifique!

 

Innover… en créant son emploi

« J’ai cogné à toutes les portes. Deux ou trois ont fini par s’ouvrir… au 100e coup, conte-t-il avec humour. J’ai la génétique de mes parents, qui foncent dans la vie. » Le chercheur à l’attitude entrepreneuriale convainc quelques professeurs de lui confier la mise sur pied de projets qu’ils n’arrivent pas à démarrer, faute de temps. Il ficelle leur concept, fédère des partenaires, puis redonne l’organisation clé en main au personnel du laboratoire. Ce concept unique de soutien professionnel séduit des experts dans des domaines variés, allant de l’arthrite rhumatoïde au VIH.

 

C’est alors que le Dr André Carpentier, professeur en endocrinologie à l’Université de Sherbrooke, lui offre de contribuer à implanter le CMDO. Le pari s’avère osé, car il faut d’abord obtenir une grosse subvention de démarrage. « Je suis prêt à tout », assure le consultant. De fait, le regroupement voit le jour en 2012. Et l’entrepreneur devient coordonnateur de recherche à temps plein.

 

Expérience concluante, donc! Même s’il n’avait pas prévu de troquer la micropipette contre le téléphone, le gestionnaire scientifique s’estime comblé. « Chaque jour, je me lève enthousiaste, comme si j’allais sauver le monde. Le Réseau fonctionne à pleine vitesse. Je ne sais jamais ce qui m’attend et j’adore ça. »

 

Réseauter pour la recherche

Le Réseau appuie la recherche en facilitant les échanges entre scientifiques de disciplines variées, stagiaires et gestionnaires du secteur de la santé. Il finance des recherches et accompagne des membres dans le démarrage de projets. Il planifie un colloque annuel et des camps de formation pour la relève. Enfin, il vulgarise l’information pour le public, comme dans cette vidéo soulignant le 100e anniversaire de l’invention de l’insuline. L’organisme implique aussi dans sa gouvernance des personnes qui souffrent de maladies liées au métabolisme. « On cultive un esprit de communauté citoyenne. Le patient partenaire, la santé durable, on y croit. »

 

Un exemple de réussite? Prenez l’initiative de science participative NutriQuébec, qui sonde la population québécoise sur ses habitudes alimentaires. Benoît Lamarche, professeur en nutrition à l’Université Laval, cherchait à implanter cette étude inspirée d’un modèle français. Le Réseau a organisé pour lui un atelier de travail avec divers scientifiques et spécialistes en gestion de la santé publique. Ce coup de pouce initial a aidé NutriQuébec à croître rapidement en un projet de grande envergure. « Des histoires comme celle-là, j’en ai 200 à raconter », affirme Lucien Junior Bergeron.

 

Pour une science sans frontières

Dans un fichier Excel, le professionnel note avec soin qui travaille sur quoi afin de faciliter de futures alliances. « Le Réseau a “désiloïsé” le milieu, lance-t-il, en appliquant sa créativité au langage. Nos projets sont toujours interuniversitaires, interdisciplinaires, inter-quelque-chose, car la synergie nous porte plus loin. »

 

Ce docteur ès réseautage profite même du calme estival pour contacter des experts et expertes partout autour du monde afin de leur présenter son organisme. Il a notamment tissé des liens avec un centre danois, le Danish Diabetes and Endocrine Academy, qui reçoit chaque année des étudiants ou étudiantes d’ici. À l’inverse, il arrive que des spécialistes d’ailleurs s’éprennent du Québec durant un événement du regroupement. « Chaque année, des scientifiques me disent à quel point le soutien du CMDO a changé leur vie professionnelle », se réjouit-il. Des témoignages précieux, surtout en ce moment, alors que le Réseau doit faire renouveler sa subvention.

 

Cet emploi que Lucien Junior Bergeron a créé pour lui-même lui va comme un gant… de nitrile. « Je suis une personne assez éclatée, alors je préfère découvrir plein de choses plutôt que focaliser mon attention sur un sujet unique. » Aux stagiaires qu’il croise, il aime rappeler la diversité des débouchés dans son domaine. Le personnel scientifique travaille partout : universités, entreprises privées, entités gouvernementales. Et même dans des organismes qui restent encore à imaginer! « L’avenue professorale n’est pas la seule qui mène à la science », conclut le lauréat. Qui continue à viser loin, au golf comme ailleurs.

 

Au sujet de ce prix

Les Prix d’excellence des professionnels de recherche mettent en lumière l’apport crucial de ce personnel à l’avancement du savoir et à l’innovation au Québec. Ils ont été créés en 2016 par la FPPU et deux autres syndicats avec le soutien des Fonds de recherche du Québec. Trois bourses de 2500 $, 1500 $ et 1000 $ sont attribuées dans chaque catégorie : Nature et technologies, Santé ainsi que Société et culture.

 

Photo : Lucien Junior Bergeron, seconde place dans la catégorie Santé aux Prix d’excellence des professionnels de recherche 2023. / source collection personnelle