Québec et France, mêmes enjeux?
Les professionnelles et professionnels des universités québécoises partagent-ils des préoccupations avec leurs homologues français? Assurément, répond Claude Fortin, présidente de la Fédération du personnel professionnel des universités et de la recherche (FPPU). La syndicaliste revient d’un colloque qui a réuni plusieurs délégations de l’enseignement supérieur à Chasseneuil-du-Poitou, dans l’ouest du pays, du 19 au 21 novembre. Elle y a présenté la perspective québécoise sur les enjeux touchant le milieu universitaire et la recherche.
« Le SNPTES compte depuis des années parmi nos organisations alliées. La FPPU s’est donc fait un plaisir d’assister à cet événement spécial qui soulignait son 70e anniversaire », précise la dirigeante de la fédération.
Baptisé Syndicat national du personnel technique de l’enseignement supérieur à sa fondation, en 1953, le SNPTES défend aujourd’hui les personnels titulaires et contractuels de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la culture. Son accréditation recouvre les postes professionnels universitaires que la FPPU représente au Québec, ainsi que des corps d’emploi techniques et de soutien.
Depuis cinq ans, dans les universités du Québec…
Lors du 28e congrès national de l’organisation française, Claude Fortin a présenté à son auditoire un état des lieux de l’enseignement supérieur et de la recherche au Québec. « J’ai fait le tour des enjeux qui ont émergé ou évolué depuis mon dernier passage au colloque du SNPTES, en avril 2018, rapporte-t-elle. Il y avait beaucoup à dire, on s’en doute! »
Rétrospective éclair : le 1er octobre 2018, la Coalition Avenir Québec accède au pouvoir, soufflant un vent de changement sur l’éducation, classée priorité nationale. Le 13 mars 2020, toutefois, le gouvernement ferme les écoles et universités pour cause de COVID-19. Le confinement engendre une restructuration majeure du marché du travail. Sur les campus, on assiste à la fois à des pertes de revenu dans certains laboratoires et à une hausse des embauches portée par l’essor fracassant de l’enseignement à distance.
« Dans le sillage de ces bouleversements, on voit maintenant émerger dans le débat public des thèmes cruciaux pour les communautés universitaires québécoises, résume la présidente de la FPPU. Pensons entre autres à la loi sur la liberté académique votée en juin 2022. » L’année 2024 a apporté la fusion des trois Fonds de recherche du Québec en un organisme unique, traduisant une vision plus centralisatrice de la subvention de la recherche. Puis, la révision de la politique de financement des universités a compliqué le parcours des étudiantes et étudiants internationaux. « Les prochaines années seront assurément plus difficiles, prédit Claude Fortin. D’autant plus que le ministère de l’Enseignement supérieur consulte moins qu’avant les partenaires du milieu. »
Préoccupations similaires dans les universités françaises
En France, la situation s’avère aussi délicate dans les établissements d’éducation et de recherche, rapporte la syndicaliste après discussion avec ses homologues de l’Hexagone. Sous-financement de l’enseignement supérieur, montée de la droite, non-respect de la fonction publique… Ces tendances de fond bouleversent le travail effectué sur les campus et dans les laboratoires. Un rapport de l’État indique que la dépense par étudiant diminue, car la hausse du budget global ne parvient pas à couvrir celle des effectifs. Cet article du magazine spécialisé Campus Matin donne un aperçu des enjeux vécus sur le terrain.
« C’est étonnant de constater à quel point les enjeux vécus par le personnel professionnel se ressemblent des deux côtés de l’Atlantique, souligne Claude Fortin. Malgré les différences institutionnelles et culturelles, les gens vivent des situations similaires. On peut penser à la surcharge de travail, par exemple, ou à la précarisation des emplois. Plusieurs personnes m’ont abordée après ma conférence pour me dire qu’elles s’étaient reconnues dans mon récit. »
Bien-être au travail : parallèles France-Québec
Le colloque anniversaire du SNPTES proposait trois tables rondes, dont deux conviaient sur scène la présidente de la FPPU. Le premier panel, « Le syndicalisme peut-il et doit-il se réinventer? », a porté sur des phénomènes comme la montée de l’individualisme et les conséquences du télétravail. Le second, « Quels leviers pour une plus grande attractivité de nos métiers? », a donné lieu à des échanges plus concrets sur les valeurs et le bien-être du personnel.
Récemment, le SNPTES a sondé plus de 10 000 de ses membres sur les éléments qui pourraient aider à valoriser les emplois de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette enquête présente des parallèles avec une initiative en cours dans notre réseau. Il s’agit du sondage de Mathieu Busque Carrier, professeur à l’Université de Sherbrooke, qui analyse actuellement les valeurs de nos membres et leur degré de satisfaction au travail. « Ce sera intéressant de comparer ces données quand le chercheur aura publié ses conclusions, attendues l’an prochain », conclut Claude Fortin.
Claude Fortin (au centre) participe à une table ronde au 70e anniversaire de la fédération syndicale française SNPTES, le 19 novembre 2024. / source SNPTES